jeudi 21 juillet 2016

Coup de ... CŒUR! #1


En attendant le prochain article qui ne devrait pas tarder (promis), j'ai décidé de créer un autre petit format sur mes coups de gueule et mes coups de coeur qui n'est pas vraiment destiné à avoir un rythme régulier mais qui ira au fil de mes découvertes et de mon besoin irrépressible de donner mon opinion. Alors commençons tout de suite avec une nouvelle série qui est sortie cet été:

Love, Nina (2016-...)



Format :

1 saison, 5 épisodes de 30min.

Quèsaco ?

Les lettres de Nina, 20 ans, à sa famille qu'elle a quitté pour déménager à Londres dans le début des années 80. Venant de la campagne, elle se retrouve à faire du baby-sitting dans une famille vivant à Bloomsbury, sans savoir que c'est dans ce contexte familial et dans ce choc des cultures qu'elle va être plonger dans l'univers de la littérature.



Un casting de fifou :

Pour ne rien vous cacher, j'ai décidé de commencer la série seulement à cause de l'affiche et plus spécialement à cause d'Helena Bonham Carter qui tient ici le rôle de la mère (dans lequel elle excelle d'ailleurs). Mais le choix de Faye Marsay dans le rôle de Nina (que vous avez pu voir dans PrideThe White Queen ou Game Of Thrones) est un éclair de génie. Elle incarne parfaitement la petite campagnarde sans prétention qui se balade pieds nus, en disant ce qu'elle pense comme elle le pense et qui cherche à comprendre le fonctionnement de la vie « urbaine ».
Petite mention spéciale pour les deux garnements que Nina doit garder, joués par Ethan Rouse et Harry Webster, qui sont l'image parfaite des enfants que j'aimerais avoir un jour.

On a beau dire ce qu'on veut, elle a la classe quand même!


Le petit plus :

Le scénario vient du cerveau de l'auteur, entre autre, d'About A Boy, d'Une Education, ou d'How To Be Good, Nick Hornby, qui signe sa première série, à mon avis avec succès. Quand à la réalisation, on est face à la maman de Toast qui mettait en scène Helena Bonham Carter et Freddie Highmore (film faisant largement partit de mon top 3 2010), S.J. Clarkson. On retrouve d'ailleurs ici son humour british et sa vision lumineuse et colorée.




Love, Nina est une mini-série à l'anglaise comme on les aime. J'avoue seulement avoir commencer le bouquin de Nina Stibbe dont elle s'inspire la semaine dernière sur la plage, donc je ne m'aventurerai dans les comparaisons dont on peut se passer. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'on a à faire à une série intelligente, drôle, et honnête, avec une photographie brillante et des personnages originaux. J'en fais un peu trop? 
Alors peut être devriez vous vous faire vôtre propre opinion en regardant le trailer, ici. Je suis sûre que vous partagerez mon avis ! 



vendredi 8 juillet 2016

The Pride To Be A Woman

Après m'être regardé Pride pour la 8ème fois, j'ai réalisé qu'à chaque fois c'est le même moment qui me fais monter les larmes aux yeux. Je me suis donc intéressée à la chanson en question et ne peut m’empêcher de vous parler de textile, de pain, de roses et d'une introduction très discrète du féminisme dans la musique. Alors sans prise de parti, de revendications ou de marche nue sur la place de l’Étoile, je vais essayer de vous parler de cette sublime chanson qu'est Bread & Roses.

« Bread & Roses » n'est pas seulement une chanson, c'est un slogan et un hymne chargé d'histoire et pour bien vous remettre dans le bain, il faut remonter jusqu'au début du siècle dernier.

Après quelques petites recherches, on apprend très vite que l'expression Bread & Roses vient d'un poème publié en Décembre 1911 par the American Magazine (qui publiera entre autre H.G Wells ou encore Sir Conan Doyle, donc pas petit le truc). Ce journal sera, entre autres, un diffuseur des idées de la lutte travailliste qui émergent à l'époque et reportera les démarches féministes qui prennent peu à peu de l'ampleur à travers le monde.
Le poème mentionné plus tôt est écrit par James Oppenheim, un poète, romancier et journaliste américain né à la fin du XIX ème et qui s'éteindra à l'aube de la seconde guerre mondiale. Il écrit beaucoup sur les inégalités sociales et les problèmes démocratiques que l'on peut rencontrer à cette époque. Ainsi, il parle beaucoup du Travail et des conditions de vie des travailleurs et soutient le mouvement des suffragettes. Messieurs, je vous invite à en prendre de la graine !

"Un  homme sur deux est une femme."
Le poème en lui même se baserait sur une phrase prononcée par une des icônes du mouvement féministe et du mouvement travailliste, Rose Schneiderman, qui criera haut et fort :
"What the woman who labors wants is the right to live, not simply exist — the right to life as the rich woman has the right to life, and the sun and music and art. You have nothing that the humblest worker has not a right to have also. The worker must have bread, but she must have roses, too. Help, you women of privilege, give her the ballot to fight with."

[« Ce qu'une femme qui travaille veut c'est le droit de vivre pas simplement d'exister – le droit à la vie comme une femme riche à le droit à la vie, et au soleil et à la musique et à l'art. Vous n'avez rien qu'une humble travailleuse n'ait pas le droit d'avoir aussi. La travailleuse doit avoir du pain mais aussi des roses. Aidez nous, vous les femmes privilégiées, donnez leur le bulletin de vote avec lequel elles pourront se battre. »]

Je tiens, juste avant de continuer plus vigoureusement dans l'impact que ce poème a eu, rendre justice à tous ceux qui ont écrit sur cette merveilleuse dame ou qui ont contribué à diffuser ce slogan car en relisant tous les numéros de l'American de 1911, afin de retrouver le poème en question, je me suis rendu compte que l'expression « Bread & Roses » (ou plutôt « Bread & Flowers » ici) y avait déjà été employée par une jeune journaliste, Helen M. Todd, qui écrit un article sur la campagne automobile des suffragettes dans l'Illinois dans le numéro de Septembre de la même année. Bref tout ça pour dire qu'il n'a rien inventé le petit Monsieur.

Ces mots (parce qu'on parle pas ici ni du poème, ni de la chanson) furent associé par Upton Sinclair dans The Cry for Justice: An Anthology of the Literature of Social Protest à la grève du textile de Lawrence :
Lawrence, Massachussetts, Janvier 1912. Une loi du travail est adoptée par l’État diminuant les heures de travail obligatoires (de 56 à 54 heures). A cela, certains patrons de grandes usines de textiles répondent par une baisse des salaires. (ils sont pas con-cons hein...). Les travailleurs décident de faire la grève, travailleurs en majorité immigrants et surtout (usines de textiles obligent) des femmes. La grève est gérée par entre autres par les Industrial Workers of the World, un syndicat international qui à pour but d'éliminer le salariat et de créer un seul syndicat global pour les travailleurs, the One Big Union ou The Union, pour les intimes (mais j'y reviendrai sûrement dans un article plus détaillé). Ainsi, de longues manifestations pacifistes s'organisent dans les rues réunissant toutes sortes de populations.
Après un mois de grève, les leaders de IWW décident d'envoyer des centaines d'enfants de familles grévistes (qui mourraient de faim) chez des sympathisants de l'état de New York, dans le New Jersey et dans Vermont. Le déplacement du 24 Février, qui ne fut pas le premier, fut interrompu par la violence des forces de l'ordre qui tapèrent dans la masse, il faut le dire, sans vraiment faire attention au sexe ou à l'age de leurs opposants.

Les enfants de Lawrence durant une exode. Je sais pas laquelle....


Le piquet de grève ne durera que trois mois mais resta graver dans les mémoires collectives car celle-ci apparaît comme une des premières grèves réellement organisées et se distingue par une entraide humaine qui dépasse l'age, le sexe ou les origines des travailleurs et des syndicats présents. En gros, c'est tout le monde contre les gros méchants patrons, et ça c'est une première !
L'association au slogan devient alors compréhensible surtout maintenant que l'on sait que plus de la moitié des grévistes étaient des femmes. J'avais lu quelque part, il m'est impossible maintenant de retrouver où, qu'un journaliste de l'époque avait mentionné que c'était aussi une des première grève « chantante » c'est à dire qu'on ne faisait pas qu'y scander des phrasés efficaces mais on y entonnait de véritables chansons. Après, comme il m'est impossible de retrouver la source, ça vaut ce que ça vaut quoi…

Aussi, même si le poème connu un franc succès à l'époque, il semble comme y avoir un vide d'une cinquantaine d'années pendant lesquelles il tomba quelque peu aux oubliettes. Il fut récité à deux ou trois commémorations des deux Grandes Guerres en Angleterre, où il prend un autre sens. On ne parle plus de la femme qui milite pour la cause mais de la femme qui remplace l'homme, qui fait tourner le pays pendant qu'il est au front. « WE CAN DO IT ! »

Il faudra alors attendre 1971 pour lui redonner son blason d’antan. On empreinte à nouveau le slogan et on retranscrit le poème dans un article traitant de la nécessite de la « libération » de la femme, écrit par Kathy McAfee et Myrna Wood, les années 70 étant la période qui connaît un espèce de second souffle féministe après le début du siècle, pendant lesquelles vont apparaître ce qu'on appelle les « féministes modernes ».


Ooh deeep in my heart, I do believe, we shall overcooome...
Ainsi, la première à l'avoir mis en musique n'est autre que Mimi Farina, en 1976, la petite sœur de Joan Baez, elle aussi plus ou moins musicienne qui créera une association portant le même nom ayant pour but d'organiser des concerts gratuits et des divertissements autour de la musique dans les prisons, les hôpitaux et les centres médicaux. Ah Mimi au grand coeur !
Voici un petit enregistrement live de l'interprétation des deux sœurs lors d'un concert à but non-lucratif.


Cette chanson sera reprise maintes et maintes fois entre autres par Judy Collins, l'année suivante (ma version préférée!), qui sortira un album éponyme, ou encore Ani DiFranco, grande activiste de la cause féministe dans les années 90.

La chanson sera officiellement reconnue comme un hymne lorsqu'elle apparaît dans le Singing Living Tradition, sorte de corpus de toutes les chansons fédératrices, publié par l'Association Universaliste Unitarienne, même si à ce stade ce n'était qu'une petite formalité..
L’appellation « Bread & Roses » reste aujourd'hui pleine de signification. Elle est encore utilisée par certains groupes activistes, féministes ou non d'ailleurs, certains festivals, une radio féministe aux États-Unis, et plusieurs associations dans le monde. Il y aura trois films portant ce nom, dont un sortit en 2000, présentant en tête d'affiche Adrien Brody, qui soulève le problème des droits des immigrés mexicains au États-Unis, dont vous trouverez la bande annonce ici. (pas le plus grand des chefs d’œuvre mais ça se laisse regarder).

Et enfin, elle se retrouve dans Pride (et oui j'ai commencé l'article comme ça, il va bien falloir que j'en parle…) :
Pour ceux qui l'ont pas encore vu (SHAME ON YOU!), Pride se passe en 1984. Margaret Thatcher est au pouvoir et on se trouve en plein conflit avec les mineurs qui viennent de voter la grève. A Londres, face à la violence dirigée contre ces derniers, un syndicat d'activistes gay et lesbien décide de lancer une campagne de support pour venir en aide aux familles des mineurs. Leurs fonds étant refusés par l'Union Nationale des Mineurs, la LGSM (Lesbians & Gays Support the Miners) choisissent un petit village au fin fond du Pays de Galles et décide de partir leur remettre l'argent en main propre. Le film traite du choc des classes sociales, des cultures, des opinions. Pride est une histoire humaine avant d'être politique, une comédie anglaise comme on les aime, un film un peu léger mais chargé d'émotions qui s'inspire d'une histoire vraie. Et oui, tout ça en même temps !
Dans le film, Bread & Roses cèle le moment où les mineurs acceptent enfin l'aide des jeunes syndicalistes et décident donc de mettre de côté leurs différences. Trop choupinoupinet. On retrouve donc là, le symbole de l'union de gens très (peut être trop) différents qui vont se battre pour la même cause, l'entraide face à l'adversité. 

Je vous avais dit que c'était pas un message de tapette !

Liens annexes :

Paroles et traduction de la chanson

-Article de Kathy McAfee et de Myrna Wood : What is the revolutionary potential of Women's liberation ?